C'est une grosse ferme isolée sur le flanc d'une colline champenoise.
Le groupe de soldats français vient d'arriver, épuisé après une longue marche sous le feu.
Ils se savent entourés d'ennemis. Les Allemands sont de l'autre côté de la crête.

La ferme et la tranchée qui la surplombent sont occupées par d'autres soldats, Italiens, eux, fatigués, décimés par les combats pour tenir cette position avancée.  Ils attendent une imminente contre-attaque, et doivent supporter les bombardements incessants, tant allemands que français, de la ligne de feu située à quelques centaines de mètres.

La nuit venue, ils recevront l'ordre de se replier en face de la ferme, dans les bois, de l'autre côté du vallon, où ils devront boucher les espaces vides de la ligne de défense mise à mal par les bombardements.

Deux soldats français se trouvent dans l'écurie de la ferme lorsque l'obus perce le mur. Ils tombent foudroyés.
Nous sommes à la ferme de Méry, au pied de la Montagne de Reims, une nuit d'été de l'année 1918.
Georges Guillet vient de mourir.






Le dormeur du val
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme:
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Arthur RIMBAUD (1854-1891)
  


les Hermitois dans la guerre.
Bulletin de la Mairie des Hermites."La vie Hermitoise", nº 25, novembre 2011, http://www.readoz.com/publication/read?i=1043863#page1